Ou plutôt si:
On gelait hier, on gèle aujourd'hui, et autant s'y faire, c'est parti pour encore quelques jours. Pas un temps à laisser un sans-abri dehors, même s'il refuse un gîte chauffé. Car il reste des places dans les refuges, mais certains refusent mordicus d'y aller. Par de tels froids polaires, il n'y a pas à hésiter: si la persuasion échoue, la police prend le relais
Sous un viaduc à l'ombre des tours du centre-ville, une cabane de fortune se dresse entre deux piliers de béton. Une clôture de fer, une grande toile de plastique. Et là, couché dans la pénombre, il y a un homme. Ce soir, il fait -31 degrés avec le vent. Et M. Caron, 59 ans, a la ferme intention de passer la nuit dehors. «Ça fait 30 ans que je vis dehors, tabarnak!»
«Oui, je sais que ça fait 30 ans. Mais moi, je n'avais pas connaissance que vous viviez dehors pendant les 29 autres années. Là, je le sais. Et si vous mourez de froid ce soir, je vais me sentir très, très mal», lui dit doucement Nancy Keays, infirmière à l'équipe itinérance du CLSC des Faubourgs. Mme Keays et Jason Champagne font, en ce début de soirée, un blitz d'urgence auprès de sans-abri à risque repérés en matinée. Afin de s'assurer qu'ils ne meurent pas gelés.
Nancy Keays connaît bien M. Caron. Avant de connaître son nom, elle l'avait surnommé M. Squat. Il vit en permanence sous ce viaduc, où les autos qui passent produisent en permanence un roulement de tonnerre.
M. Caron ne veut rien entendre. Jason Champagne s'interpose. «Je suis le patron de Nancy. Vous avez le choix. Ou vous allez dans un refuge, ou on vous emmène à l'hôpital. Vous ne pouvez pas rester dehors.» M. Caron grommelle. Jason Champagne empoigne son cellulaire. Il réclame une ambulance et une voiture de police pour conduire l'homme à l'hôpital Jean-Talon, l'établissement de garde ce soir dans ce genre de situations.
De loin, M. Caron entend le téléphone. «Câlisse de mémères!» Il se lève, enfile ce qui lui tient lieu de bottes, et part, son mince manteau grand ouvert. Les intervenants le suivent pendant un moment. À cause de la circulation, ils sont cependant contraints d'interrompre leur filature.
Après un moment, le constat est clair. «On l'a perdu», dit Jason Champagne. Les intervenants se rendent au poste de police de quartier, afin de demander aux agents de passer le voir, au cours de la soirée, pour s'assurer qu'il est toujours en vie. Impossible, leur répond l'agent en service. À cause du spectacle du rappeur Lil' Wayne, toutes les voitures sont au Centre Bell. «Mais si quelqu'un appelle, on va y aller.»
Évidemment, personne ne va appeler pour M. Caron. L'homme va donc passer la nuit dehors.
***********
Gare Windsor. Nancy Keays et Jason Champagne sont à la recherche d'un jeune repéré ce matin. Dans les escaliers, ils croisent un homme, vêtu d'un simple chandail de laine. Ses mains sont nues. Il a un sac de plastique à la main. «Est-ce que vous êtes dehors, monsieur?» demande Mme Keays. «Depuis toujours, madame. Je ne suis pas un itinérant, je suis un campeur», répond l'homme. «Ce soir, vous pouvez mourir de froid si vous dormez dehors», lui dit l'intervenante. «Il ne faut pas dormir, il faut marcher», réplique-t-il.
L'homme remercie les intervenants, qui lui proposent de l'emmener à la Mission Bon Accueil, située tout près. Il refuse poliment. «C'est une trop courte distance. Je vais me rendre à pied.» Nancy Keays le regarde partir avec inquiétude.
Le jeune que les intervenants recherchent est encore en haut de son escalier. Il porte un kangourou, pas de bottes, pas de mitaines, pas de tuque. Hier, Robbie, 25 ans, a couché à côté d'un guichet automatique. Ce soir, il n'a nulle part où aller. «Ils vont vous expulser de la gare bientôt», lui souligne Mme Keays. Robbie suivra finalement les intervenants à la Mission Bon Accueil, où une quarantaine d'hommes sont déjà assis dans la cafétéria.
Nancy Keays suit régulièrement «ses» sans-abri, qui se retrouvent un peu partout dans l'île de Montréal. Pour ceux qu'elle connaît, et dont elle sait qu'ils ont des problèmes de santé mentale, elle intervient parfois en prévention pour les faire hospitaliser avant de très grands froids. Cependant, la plupart des sans-abri qu'elle rencontre dans ces blitz d'urgence, elle ne les a jamais vus auparavant. La plupart acceptent volontiers de la suivre dans un refuge. Mais d'autres sont totalement récalcitrants.
Celui-ci, par exemple, rencontré plus tôt dans la journée dans un parc du centre-ville. Vêtu d'un simple manteau de printemps, il était nu-pieds dans ses souliers. Ses pieds étaient déjà couverts d'engelures. Il a refusé de suivre Nancy Keays.
Aux dernières nouvelles, des policiers étaient à sa recherche
Sous un viaduc à l'ombre des tours du centre-ville, une cabane de fortune se dresse entre deux piliers de béton. Une clôture de fer, une grande toile de plastique. Et là, couché dans la pénombre, il y a un homme. Ce soir, il fait -31 degrés avec le vent. Et M. Caron, 59 ans, a la ferme intention de passer la nuit dehors. «Ça fait 30 ans que je vis dehors, tabarnak!»
«Oui, je sais que ça fait 30 ans. Mais moi, je n'avais pas connaissance que vous viviez dehors pendant les 29 autres années. Là, je le sais. Et si vous mourez de froid ce soir, je vais me sentir très, très mal», lui dit doucement Nancy Keays, infirmière à l'équipe itinérance du CLSC des Faubourgs. Mme Keays et Jason Champagne font, en ce début de soirée, un blitz d'urgence auprès de sans-abri à risque repérés en matinée. Afin de s'assurer qu'ils ne meurent pas gelés.
Nancy Keays connaît bien M. Caron. Avant de connaître son nom, elle l'avait surnommé M. Squat. Il vit en permanence sous ce viaduc, où les autos qui passent produisent en permanence un roulement de tonnerre.
M. Caron ne veut rien entendre. Jason Champagne s'interpose. «Je suis le patron de Nancy. Vous avez le choix. Ou vous allez dans un refuge, ou on vous emmène à l'hôpital. Vous ne pouvez pas rester dehors.» M. Caron grommelle. Jason Champagne empoigne son cellulaire. Il réclame une ambulance et une voiture de police pour conduire l'homme à l'hôpital Jean-Talon, l'établissement de garde ce soir dans ce genre de situations.
De loin, M. Caron entend le téléphone. «Câlisse de mémères!» Il se lève, enfile ce qui lui tient lieu de bottes, et part, son mince manteau grand ouvert. Les intervenants le suivent pendant un moment. À cause de la circulation, ils sont cependant contraints d'interrompre leur filature.
Après un moment, le constat est clair. «On l'a perdu», dit Jason Champagne. Les intervenants se rendent au poste de police de quartier, afin de demander aux agents de passer le voir, au cours de la soirée, pour s'assurer qu'il est toujours en vie. Impossible, leur répond l'agent en service. À cause du spectacle du rappeur Lil' Wayne, toutes les voitures sont au Centre Bell. «Mais si quelqu'un appelle, on va y aller.»
Évidemment, personne ne va appeler pour M. Caron. L'homme va donc passer la nuit dehors.
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Gare Windsor. Nancy Keays et Jason Champagne sont à la recherche d'un jeune repéré ce matin. Dans les escaliers, ils croisent un homme, vêtu d'un simple chandail de laine. Ses mains sont nues. Il a un sac de plastique à la main. «Est-ce que vous êtes dehors, monsieur?» demande Mme Keays. «Depuis toujours, madame. Je ne suis pas un itinérant, je suis un campeur», répond l'homme. «Ce soir, vous pouvez mourir de froid si vous dormez dehors», lui dit l'intervenante. «Il ne faut pas dormir, il faut marcher», réplique-t-il.
L'homme remercie les intervenants, qui lui proposent de l'emmener à la Mission Bon Accueil, située tout près. Il refuse poliment. «C'est une trop courte distance. Je vais me rendre à pied.» Nancy Keays le regarde partir avec inquiétude.
Le jeune que les intervenants recherchent est encore en haut de son escalier. Il porte un kangourou, pas de bottes, pas de mitaines, pas de tuque. Hier, Robbie, 25 ans, a couché à côté d'un guichet automatique. Ce soir, il n'a nulle part où aller. «Ils vont vous expulser de la gare bientôt», lui souligne Mme Keays. Robbie suivra finalement les intervenants à la Mission Bon Accueil, où une quarantaine d'hommes sont déjà assis dans la cafétéria.
Nancy Keays suit régulièrement «ses» sans-abri, qui se retrouvent un peu partout dans l'île de Montréal. Pour ceux qu'elle connaît, et dont elle sait qu'ils ont des problèmes de santé mentale, elle intervient parfois en prévention pour les faire hospitaliser avant de très grands froids. Cependant, la plupart des sans-abri qu'elle rencontre dans ces blitz d'urgence, elle ne les a jamais vus auparavant. La plupart acceptent volontiers de la suivre dans un refuge. Mais d'autres sont totalement récalcitrants.
Celui-ci, par exemple, rencontré plus tôt dans la journée dans un parc du centre-ville. Vêtu d'un simple manteau de printemps, il était nu-pieds dans ses souliers. Ses pieds étaient déjà couverts d'engelures. Il a refusé de suivre Nancy Keays.
Aux dernières nouvelles, des policiers étaient à sa recherche
Katia Gagnon, la Presse
C'est vraiment très dur de les voir ! et dire que nous, on se plaint de trois fois rien !
RépondreSupprimerquand j'étais plus petite très souvent, avec ma mère, nous descendions au sans-abri à coté de chez nous, de quoi manger et boire avec toujours un petit billet.... mais maintenant il y en a tellement ! alors entre ceux qui auraient vraiment besoin d'un coup de main et ceux qui profitent de la générosité des gens c'est difficile de faire "le tri" donc malheureusement on passe un peu notre chemin !
bizzzzzzzzzzz