En réponse au post de
Mandy , je reprends moi aussi ce voyage dans le passé jalonné de dates que nous connaissons tous.
9 novembre 1989 : La chute du mur de BerlinLa vie….. Tout simplement…. Avec ses hauts et ses bas. Cette année a été comme quelques autres une année charnière, un grand tournant dans ma vie. Après des années de galère et de tentatives pour créer cette FAMILLE comme je la souhaitais, après 5 grossesses qui se sont plus ou moins terminées en tragédies, après être restée couchée 7 mois, immobile pour l’avoir, enfin, il est là dans mes bras, mon petit bout d’homme de 4 mois, tranquille le jour, excité la nuit, avec son regard perçant et sérieux qui observe tout et tout le monde. J’essaie de gérer au mieux les crises d’adolescence, je profite de ma maison à la campagne toute neuve, je crois être arrivée au port.
À la télé le mur s’écroule, je me mets à rêver d’un monde de liberté et de tolérance pour mes enfants…
Je ne sais pas que je suis porteuse d’une maladie chronique et mortelle depuis 8 ans…
31 août 1997 : La mort de Lady Di
Pour clôturer un été trop court, nous avons l’habitude, pour ce dernier week-end d’août, souvent très beau, de louer en famille un mobilhome au camping de Castellane, dans le Verdon. Paysages grandioses, magnifiques, on fait de longues randonnées et on ne manque surtout pas notre pèlerinage-fou-rire à la secte du Mandarom. À cette époque, la statue du gourou fou domine toujours la vallée. Il y a tous les frères et sœurs réunis, et bien sûr, tous leurs (nos) enfants, cousins, cousines ravis de se retrouver lors de ces 2 journées magiques.
Sauf que moi, famille ou pas famille, le dimanche matin, je dors. Je suis seule à me réveiller tranquillement, ils sont tous dehors autour du petit déjeuner. J’ai apporté mon radio-éveil, je somnole, j’entends « princesse, tunnel, accident, grièvement, journalistes, LADY DI». Je bondis. Quoi, elle ? Pourquoi elle ? La première idée qui me vient à l’esprit est complètement idiote : «Pourquoi elle part avant moi, elle est plus jeune que moi !».
J’écoute encore, je me lève…. et je vais annoncer la nouvelle à la famille incrédule. Ce soir, on sera tous rassemblés devant le poste de télévision du camping.
Depuis 5 ans maintenant, je sais que je suis porteuse d’une maladie chronique, mortelle et transmissible par le sang. Terrorisée, j’ai obligé tout mon entourage à faire le test, et aussi et surtout mon fils. J’ai appris que personne n’est contaminé. Moindre mal. Pourvu que j’arrive à mener mon petit dernier à l’âge adulte…
11 juillet 1998 : La finale de la Coupe du Monde de FootC’est l’été. Mes filles ont quitté le nid familial. On prépare une très grande fête pour les 20 ans de ma ballerine et les 40 de son tonton. On n’a rien prévu pour les vacances. Je ne sais pas pourquoi, le budget est difficile à boucler. Je suis l’assistante-secrétaire de mon mari, je sais que les affaires tournent bien, mais d’après lui les rentrées sont modestes. Je me pose des questions…
Je n’aime pas le foot. Enfin, disons que je n’en suis pas folle, je ne déteste pas non plus, ça m’est complètement indifférent.
Nos voisins sont seuls aussi et nous proposent de nous réunir pour assister à la grande rencontre. Aussitôt dit, aussitôt fait. On prépare un petit repas, sur le pouce mais délicieux qu’on mangera assis par terre autour de la table de salon, devant la télé. Et on s’excitera, et on criera, et on applaudira, et moi avec…
Ma maladie est qualifiée de « chronique peu évolutive» à surveiller par des examens réguliers. Elle me laisse tranquille. That’s all.
31 décembre 1999 : l'arrivée du 21e siècleQuelque chose ne tourne pas rond dans mon couple, mais je n’arrive pas à savoir quoi. Pour réagir, le 31 décembre 1998, j’ai décidé d’inviter plein d’amis à une grande fête. Nous serons 70 adultes et 15 enfants à passer le cap du réveillon dans notre maison. Au bout de la nuit, sur les rotules, mais mission accomplie, je décide que JAMAIS PLUS.
Mais comme tout le monde, enchanté, veut recommencer, je me propose pour organiser un prochain réveillon en groupe au Club Med. Pour l’An 2000, ce sera Djerba, en Tunisie ; nous sommes 17 à partir et ce séjour sera féérique.
Avec mon mari, pris par nos activités sportives, nous nous croisons le soir dans la chambre. Il m’a accordé 4 jours de congés avant le départ pour préparer le voyage, et… il a eu une réunion très importante qui a fini tard le soir juste avant de partir. C’est bizarre…
Mes résultats d’analyses sont perturbés…
11 septembre 2001 : l'attentat au World Trade Center à New YorkIl est environ 15h. J’ai fini ma journée de travail. J’écoute la radio sur le chemin de retour. Un flash spécial annonce qu’un accident a eu lieu sur une des tours du World Trade Center. Un avion a heurté la tour. Je trouve ca bizarre. À notre époque de technologie avancée, qu’un pilote d’avion en difficulté n’ait pas eu le réflexe d’éloigner son avion d’une grande ville surpeuplée. J’arrive à la maison. Je me branche sur CNN. Et là, là, j’assiste en direct au désastre, le deuxième avion, qui traverse la deuxième tour. Cette fois-ci, c’est trop flagrant. Ce n’est plus un accident. En même temps que moi, des millions de gens dans le monde réalisent qu’un drame vient de se nouer. Je prends le téléphone pour raconter tout ce que j’ai vu à mon patron-mari et je passerai la soirée à regarder en boucle des images de mort et de désolation.
Et à réaliser que mes petits, où qu’ils soient dans le monde, ne seront plus jamais tranquilles…
Je ne peux plus manger correctement…
1er janvier 2002 : l'Euro débarqueComme Mandy, je suis bilingue. Je vais passer mon temps, malgré moi (et je le fais toujours) à multiplier par 7 et à décider que ça fait «un petit peu moins que le résultat trouvé». ¸
Ça, c’est pour constater que non, les prix de la viande, du poisson et des légumes n’est pas identique en euros et en francs, que oui, ça a pris 10 % au passage, que non, une pièce jaune en francs abandonnée sur un comptoir n’est pas équivalente à une pièce jaune en euros.
Ce qui est marrant, c’est que les maisons et les voitures se négocient toujours en francs. On se rend mieux compte, lol.
Comment on a passé le cap ? Très simple. On est parti au Club Med à Marrakech avec des francs, on a changé contre des dirhams et on est revenus avec des euros. Mais dans quelles circonstances ! Le loup est sorti du sac. Une trahison. J’essaie de pardonner. Une deuxième, d’un autre ordre. Je ne peux plus. Je propose la séparation. Acceptée avec une belle désinvolture. Sauf que les vacances au club sont réservées. On devait partir avec Beaufrère et Bellesœur. Et si on part pas, ils ne partiront pas non plus ; on les prive de ces vacances tant attendues. Donc on part en famille. C’est bien la famille, j’ai passé une super semaine avec ma belle-sœur…
26 décembre 2004 : le tsunami en Asie
Le tsunami dans ma vie.
Il s’en est passé des choses en 3 ans. Après une courte période de dépression, j’ai décidé de réagir. La vie est courte, je suis malade, il faut que je vive, que je survive. Je décide d’aller sur internet pour me reconstituer un réseau d’ami (e) s. Au bout de quelques temps, je le rencontre virtuellement,
LUI. Il est sympa, il est rigolo, on échange des recettes de cuisine, des critiques de film, on blague, il me fait découvrir les tartes au bleuet. Eh non ! Pas les fleurs. Il a une grande qualité, il habite à 6000 km de chez moi. Tout va bien. Sauf que….
Au bout de quelques mois, il m’apprend qu’il est muté en France, à 20 km de chez moi… On continuera à placoter sur internet pendant 8 mois avant de se rencontrer. Le jour de la rencontre, coup de foudre mutuel. Je le trouve beau, il me fait toujours autant rire, j’aime ses yeux verts, ses deux mètres moins 6… Notre histoire commence.
Ma maladie flambe. Mon hépatologue me dit que si je ne commence pas le nouveau traitement qui vient d’être trouvé, je finirai à plus ou moins long terme avec une cirrhose ou un cancer du foie, moi qui n’ai jamais bu plus d’un verre de porto par semaine. D’après lui, j’ai 80% de chances de guérison.
À Noël 2004, je suis sous Interféron, je me fais une piqure dans le ventre toutes les semaines, je ne mange plus, je perds mes cheveux, ma peau devient sèche, je fais infection sur infection. Le tsunami en Asie ? Je le regarde d’un œil vide à la télé. J’aimerais bien pouvoir les plaindre, je sais, c’est moche… Mais je suis trop fatiguée…
2 avril 2005 : la mort de Jean Paul II
Je ne trouve plus de travail en France. Il veut repartir au Québec. Là-bas, me dit-il, on a besoin de bras et de gens courageux. De n’importe quel âge. Là-bas, est un pays neuf, un melting pot de cultures. On décide de se marier. Mon traitement est dur à supporter. Il me dit qu’on va faire une superbe fête avec tous nos amis, qu’il va m’offrir une robe de princesse, rouge comme le bonheur.
Jean-Paul II meurt. Ca me touche énormément. J’ai l’impression que le monde a perdu un homme de l’envergure de Gandhi ou du Dalaï Lama.
En avril 2005, le virus est devenu indétectable dans mon sang. J’ai encore 3 mois de traitement à subir. Le soir, j’arrive à trouver la force de préparer le mariage.
Je rajoute une date :14 février 2007 : Je vis au QuébecCa y est, on l’a fait. On vit au Québec, on travaille au Québec. Tout s’est passé comme Il me l’avait dit. Et même mieux. J’aime le Québec.
Je n’arrête pas de penser à mon fils. Il n’a pas voulu me suivre dans ma nouvelle vie. C’est bizarre… Je sens, je sais qu’il va revenir auprès de moi…
Je suis guérie définitivement de ma maladie chronique…
Je suis arrivée au port, je recommence à vivre…